Ouvrir un resto bio pas cher - Jean-Baptiste Legrand raconte...
1 May 2018
Des Enfants de Don Quichotte à la cuisine bio, Jean-Baptiste Legrand nous parle de son quotidien de restaurateur militant et de ses projets. Rencontre au D’Argout, le petit frère du Bichat et du Bréguet qui vient d’ouvrir à Montorgueil.
C'est bien, c'est bon, c'est bio ! Voilà qui résume la philosophie des restaurants de la famille Legrand et de leurs amis qui nous veulent du bien. La figure de proue de cette révolution organique c’est Augustin Legrand – acteur et militant pour le droit au logement, connu pour ses actions en famille (toujours !) avec les Enfants de Don Quichotte.
Tout a commencé en 2014 au Bichat où sont nés les fameux bols, concept commun à tous les lieux ouverts par la suite : une base de riz, purée ou quinoa comme féculent, des légumes crus et cuits et une protéine animale ou végétale au choix, cette seconde option étant toujours moins chère pour inciter au végétarisme. Tout ça bio, y compris les vins et boissons qui vont avec, et accessible : 10 euros en moyenne.
D’autres cantines cool et décontractées – Le Myrha, Le Boétie, Le Grand Bréguet – ont suivi dans différents quartiers parisiens, offrant une nouvelle option de déjeuner à la fois healthy et abordable. Les petits derniers, sont le D’Argout et le Crémieux (ouverture en juin) dont s’occupe Jean-Baptiste Legrand. Il nous raconte comment il est lui aussi devenu un restaurateur militant et, avec son associé Vincent Turell et son frère Joseph (qui travaillent aussi au Bichat, au Grand Bréguet et au Boétie), il nous montre qu’Aimé Jacquet avait finalement raison : « Ça ne coûte pas plus cher de bien manger »...
Comment êtes-vous passé du militantisme à la restauration ?
Je trouvais ce que mes frères et sœurs et ma mère faisaient très bien, alors je les ai rejoints. La démarche de proposer de la nourriture bio et de qualité à ceux qui n’ont pas forcément les moyens de se l’offrir est militante et toutes les décisions qu’on prend sont politiques. À commencer par payer correctement tous nos employés : 10 euros de l’heure minimum.
Comment fait-on du bio pas cher ?
D’abord les aliments bios ne coûtent pas le double de ceux traditionnels et ceux que nous choisissons, comme les carottes et le riz, ne sont pas les plus chers. En dehors des protéines animales, nous utilisons des produits qui coûtent moins de trois euros le kilo. Ensuite, les plats ne sont pas chers car nos marges sont faibles. Nous misons tout sur le volume.
D’où viennent vos produits ?
Tous nos producteurs sont certifiés bio. Nous achetons nos légumes chez Poder. Le camion arrive de Bretagne deux fois par semaine et livre tous nos restaurants. Ainsi, il fait un seul trajet et pollue moins. Nous essayons de nous diriger vers plus de petits producteurs en Île-de-France mais, souvent, ils ne font pas de gros volumes. Nos poulets viennent donc de chez Bodin, un gros producteur vendéen qui nous livre des filets et hauts de cuisse.
De nombreux restaurants se mettent au zéro déchet, et vous ?
Nous essayons de réutiliser tout ce que nous pouvons, comme les épluchures de carottes dont on fait des tartares. Nous avons un partenariat avec Bionerval qui vient deux fois par semaine collecter nos déchets organiques pour en faire de l’électricité. Cette démarche vertueuse a un coût pour nous car la société nous facture les enlèvements.
Au départ vous souhaitiez rendre le bio plus accessible aux personnes qui ne peuvent pas toujours se l’offrir. Est-ce finalement cette clientèle que vous servez ?
On attire les gens qui se soucient de la qualité de ce qu'ils mangent donc beaucoup de « bobos ». Mais au Bichat et au Myrha par exemple, il y a une grande mixité. Nous sommes aussi partenaires de l’association Le Carillon, un réseau de commerçants et d’habitants solidaires des sans-abris. Ceux-ci peuvent utiliser les toilettes et l’électricité chez nous. Nous leur donnons du café et nos invendus et nous offrons aussi des repas sur présentation de bons Le Carillon.
On a l’impression qu’il y a une vraie uniformité entre tous vos restaurants, à quel point sont-ils alignés ?
À la base, nous avons une charte orale avec certains principes communs : bio, pas cher, fait maison, local, juste rémunération… Ensuite, c'est un concept « open source » que chacun adapte à sa sauce. Au Myrha, le bol végétarien est à six euros, sans les crudités qu’on peut ajouter sur une assiette à part. Au Boétie, où la clientèle est plus aisée, ils font un menu entrée/dessert + boisson + bol à 13 € pour le végé et 15 € pour l’omnivore. La formule varie selon ce que nous disent les clients. Au Bréguet et au D’Argout, on a des tapas à 3-5 euros et on pense en faire de plus grosses, dans les 8-9 euros, car les clients n’ont pas forcément envie d’un bol de légumes le soir.
Souhaitez-vous sensibiliser le public à certaines causes en organisant des ateliers et événements dans vos restaurants ?
Oui, le cuisinier du Myrha est très porté sur le végan et organise des ateliers d’initiation à ce type de cuisine. Au Bréguet on fait plutôt des cours de yoga. Nous avons récemment laissé la salle à Lorette Baron qui a reversé les bénéfices de ses cours chez nous à la Ligue contre le cancer. L'idée, c'est d'avoir des activités dans tous les restos mais on teste beaucoup de choses au Bréguet. En ce moment on a l’expo de l’artiste contemporain Blase. On essaie aussi de faire un mur d'escalade et un mur végétal.
Quels sont vos prochains projets ?
Nous allons ouvrir en juin un nouveau restaurant sur le même format que les autres rue Crémieux et, avec mon frère Joseph, nous travaillons à un nouveau concept aux Magasins Généraux. Augustin avait en tête d’y faire un Bichat mais comme ça fait 400 m2 on craint de ne pas arriver à rentabiliser et à staffer. Nous pensons plutôt à un marché guinguette qu’on appellerait Les Petits Magasins et où les gens peuvent venir faire leurs courses le samedi matin, manger des huîtres, et revenir danser après. Pour l’instant, il n’y a que du béton là-bas et le projet coûte très cher donc nous cherchons des financements mais nous aimerions ouvrir en début d’anné prochaine.
Affaire à suivre…
Propos recueillis par Normandie Wells
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