William Wilson Doppelgänger est un duo d’artistes créé par les jumeaux Brice & Régis Abby. Les producteurs/DJs ont posé leurs valises à Paris et collaboré avec toutes les marques qui comptent, de Gucci à Armani en passant par Kenzo ou Louboutin, et été invités à se produire pour les plus grands événements, comme le Festival de Cannes ou le Bal de la Rose à Monte-Carlo.
Comment tout a commencé ?
On a commencé notre carrière comme artistes visuels exposés à Miami et New York avec la galerie Spinello Projects pour Art Basel. On nous a invités à nous produire à la White Cube Gallery et Lehmann Maupin : ils organisaient un dîner pour un artiste et nous voulaient comme DJ pendant la Art Basel. Ça été notre premier gros événement, mais ça nous a ouvert de nombreuses portes. Ensuite, on nous a proposé un événement pour Paco Rabanne au Grand Palais, puis un autre à Milan pour Armani ou Jean-Paul Gaultier à Stockholm. La musique a toujours été un support naturel pour nous. En tant qu’artistes visuels, nous avons appris à utiliser la musique comme un autre outil pour nous exprimer.
À quoi ressemble votre processus créatif ?
On n’a pas de formule magique, ça change en fonction de chaque marque avec laquelle on travaille. On commence par s’intéresser au déroulement d’un événement – s’il y a un dîner en première partie de soirée par exemple. On s’inspire aussi de certains éléments d’un lieu ou d’un moment. Et les marques nous parlent plus précisément de leurs motivations, c’est une part importante du processus, elles ont aussi des choses à nous apporter.
Où trouvez-vous l’inspiration ?
On adore les BO pour le cinéma. C’est un moyen idéal pour créer une ambiance ou raconter une histoire. On écoute pas mal de compositeurs comme Cliff Martinez, John Carpenter et Michael Nyman. On adore aussi se tourner vers les compositeurs de la Nouvelle Vague : leurs films ont bercé notre enfance et nous nous sentons très proches de l’atmosphère et de la musique.
Ce qui nous plaît particulièrement avec les BO, c’est qu’une scène peut être complètement différente sans la musique, c’est elle qui aide à créer l’émotion. Elle peut bouleverser une scène en une seconde. C’est presque un personnage d’un film, mais qu’on ne voit jamais.
On explore en permanence plusieurs genres, de la musique de films à la musique classique, même l’opéra, l’inspiration vient de partout. C’est grâce à tout ça qu’on a un son qui nous est propre. La musique n’est pas forcément notre création, en général on crée plutôt une ambiance, quelque chose d’organique.
Quelle place occupe la musique dans l’identité d’une marque ?
Une place essentielle. Pour nous, la musique ne sert pas seulement à divertir, elle fait partie de l’expérience. D’une certaine manière, la musique est presque plus importante que le produit parce qu’elle permet de créer une connexion avec le client et toucher la sphère émotive de leur subconscient. Les marques devraient faire beaucoup plus attention à la musique et comprendre que c’est bien plus que du divertissement.
Comment aidez-vous les marques à créer une playlist pour un événement ou une boutique ?
Ça dépend de l’ADN de chaque marque. Avec chaque client, nous essayons de créer un lien pour comprendre qui ils sont vraiment. On ne part jamais de rien : l’idée c’est de toujours chercher à associer l’ADN de la marque à votre propre interprétation artistique. En tant qu’artiste, vous cherchez toujours à ajouter votre touche. La plupart du temps, les marques avec lesquelles on travaille attendent qu’on apporte le truc en plus au projet. C’est notre travail de donner vie à leur idée.
Est-ce que ça vous arrive d’entrer dans une boutique et d’être frustrés par la musique ?
Oui. Tout le temps ! Mais ça devient rare parce que de plus en plus de marques font attention à cet aspect de l’expérience, surtout en Europe. Prenez Colette par exemple, la musique est l’une de leurs fiertés. Mais aux États-Unis ou à Miami, ce n’est pas vraiment le cas. Ce qu’on déteste vraiment, c’est quand une marque essaie d’être trop commerciale. Du genre à mettre la radio à fond avec de la pub toutes les deux minutes…
Est-ce qu’une marque de luxe devrait créer une musique sur-mesure ?
Sans aucun doute. Quand on parle de musique, les gens pensent en premier à une mélodie. Mais c’est plus que ça. Par exemple, quand le producteur Richie Hawtin a créé une BO pour Calvin Klein : c’était pas une question de mélodie, mais quelque chose de bien plus conceptuel, presque organique. C’est du son. C’est ce qui nous plaît. Les marques devraient se dire que c’est du son, au lieu de penser à la musique au sens traditionnel.
Quelles marques ont tout bon selon vous ?
Gucci se démarque vraiment. Pour les événements de la marque, la musique et l’atmosphère sont tout aussi importantes que leurs produits parce qu’ils racontent une histoire. Où qu’ils soient, ils travaillent avec l’architecture du lieu pour en tirer le maximum. En parlant d’architecture, l’emplacement des haut-parleurs peut créer une ambiance unique. Le son est organique, donc il faut penser à comment il bouge dans l’espace.
Parlez-nous de certains de vos projets préférés…
Sûrement la soirée Gatsby pour la première du film au Festival de Cannes. Nous avons conçu la musique du dîner pour la projection. Pour le générique, nous avons utilisé la BO du film en y ajoutant des notes de swing et de ragtime.
Le Bal de la Rose de Monaco nous a aussi beaucoup marqués. Nous étions en charge de la soirée après le dîner, mais il fallait qu’elle commence aussi vite que possible. Donc la cabine de DJs a été montée sur roulette pour qu’on puisse commencer à jouer dans les coulisses avant qu’elle n’arrive sur scène – on a dû lui courir après, sauter et commencer à jouer. C’était dingue.
Avec quelles marques rêvez-vous de collaborer ?
On adorerait travailler avec Church’s. Ils viennent de collaborer avec Vetements, donc ça serait vraiment cool. On est très fans des chaussures classiques, mais on aime aussi l’idée de revisiter l’histoire de Savile Row. Certaines de ces marques ont besoin de dépoussiérer un peu leur image.
Votre conseil pour les marques qui veulent utiliser la musique pour marquer les esprits ?
Essayez de collaborer avec plus de gens et n’hésitez pas à tester votre musique en ligne. Les marques pourraient être bien plus actives sur leurs sites Internet, en travaillant notamment avec des ingénieurs du son pour associer un son adapté à certaines images. J’adore quand les marques travaillent avec des artistes pour créer des playlists sur-mesure. Armani par exemple, crée des playlists dédiées avec d’autres artistes, et offre une radio et des podcasts. Et tout ça parle à la nouvelle génération. Ce qu’ils font est vraiment impressionnant, et pourtant c’est très simple. Les marques doivent aussi prendre plus de risques, surtout dans leurs boutiques. N’utilisez pas la même playlist pendant des années : vous devez rester pertinent et faire bouger les choses.