Comment les retailers du luxe utilisent l’intelligence artificielle ?
4 Apr 2018
Avant que les robots ne s’emparent des ateliers de création, magasins et entrepôts, petit tour d’horizon des dernières innovations liées à l’intelligence artificielle dans le secteur du luxe.
Demander à Siri d’épeler capharnaüm ou à Alexa de monter la température de la salle de bain, c’est déjà un petit luxe. Si 70% des retailers envisagent d’investir dans les technologies Internet of Things (sondage Zebra Technologies Brazil, auprès de milliers de détaillants du monde entier), le potentiel de l’intelligence artificielle va bien au-delà des assistants personnels et objets connectés.
Le secteur du luxe et la France s’y intéressent de plus en plus. C’est la priorité de la nouvelle Agence de l'innovation de défense qui lui consacre 100 millions d'euros, et le thème de l’édition 2018 du Salon du Luxe. A mesure que l’idée d’un objet exclusif évolue vers une expérience premium, personnalisée et multicanale, des entreprises de différents secteurs - de la mode, à l’hôtellerie en passant par la beauté - utilisent l’IA pour prédire les tendances et les ventes, créer, rendre la production et le magasin plus performants ou assister les équipes sur place.
Et si l'IA pouvait prédire les tendances et créer des produits ?
L’IA peut prédire les tendances. La startup parisienne Heuritch, qui compte Louis Vuitton et Dior parmi ses clients, a mis au point une technologie capable d'identifier, répertorier et analyser des milliers d’images de produits sur les réseaux sociaux ainsi que leur contexte (à quel moment, par qui et comment sont-ils utilisés, avec quels autres produits et marques etc). Résultat : un pronostic approfondi des tendances par marchés et par périodes.
Les machines peuvent également créer. Il existe par exemple déjà des systèmes capables d’écrire des articles ou de composer de la musique. De même, l'application belge Foodpairing est dotée d’une base de connaissance des saveurs et peut déterminer leur compatibilité pour inventer de nouvelles combinaisons. Un outil précieux qui permet aux chefs d’inventer des recettes originales.
Des magasins connectés
En 2012, Burberry ouvrait sur Regent Street à Londres l’un des premiers magasins connectés. L’enseigne anglaise a équipé ses vendeurs de tablettes, ayant accès aux stocks du site, et a fixé sur ses vêtements des puces à RFID (radio-identification). Celles-ci sont détectables par les miroirs du magasin, qui peuvent afficher les différentes couleurs dans lesquelles existe un vêtement, ainsi que sa disponibilité, notamment en ligne.
D’autres retailers ont suivi, notamment L’Exception à Paris et Ralph Lauren à New York. Les cabines de la marque américaine sont équipées de boutons pour recevoir les conseils d’un styliste, choisir la langue du système, payer, et sauvegarder l’essayage en donnant son numéro de téléphone.
The Store of the Future !
La plateforme de vente de vêtements et accessoires de luxe Farfetch va plus loin avec son concept de Store of the Future, intégré au magasin Browns East à Londres et dont Chanel va utiliser certaines fonctionnalités. Parmi les plus marquantes, il y a les code-barres QR permettant aux clients de s’identifier à leur arrivée et de donner au personnel accès à leur profil, regroupant leurs préférences et achats précédents, pour un service ultra personnalisé.
Chaque produit saisit par un client sur un rail connecté est identifié et ajouté à sa liste d’envies. Celle-ci est enrichie de suggestions et accessible sur son mobile, via les miroirs tactiles des cabines et par les vendeurs.
Le potentiel des capteurs
Ces capteurs sont également utilisés pour récolter des données clients. Le laboratoire parisien Datakalab mesure par exemple les émotions des consommateurs face à un produit ou contenu marketing, grâce à un bracelet détectant leur fréquence cardiaque et leur température, et grâce au facial coding.
Certaines marques comme Moncler utilisent la RFID pour rendre chaque pièce authentifiable et lutter contre la contrefaçon. Cette technologie est aussi pratique pour compter les invités lors d’événements, via des étiquettes discrètes placées dans les invitations, et également pour tracer et gérer les stocks, en magasin et dans les entrepôts.
Les machines peuvent-elles remplacer l'homme ?
À l’ère de l’automatisation, les robots sont de plus en plus intégrés à la production, à la préparation et à la livraison des commandes. Ils garantissent un résultat rapide et sans erreur, puisque celle-ci est humaine. Louis Vuitton, dont l’héritage est pourtant dans des méthodes manuelles, a implémenté des techniques de fabrication automatisées pour des coupes ultra-précises, dans son nouvel atelier de la Drôme.
Ces technologies ne remplacent pas les maroquiniers, elles les dispensent d'une certaine pénibilité et ont augmenté la production de Louis Vuitton de 10%. De même, l'entrepôt automatisé - conçu à Singapour par Bolloré Logistics, LVMH et Dematic – est équipé de robots qui saisissent les produits et les placent sur des navettes automatisées, selon un ballet savamment orchestré par des équipes humaines.
Ces robots qui ont réponse à tout
Les retailers du luxe font également appel à des robots capables de fournir des conseils, notamment via des chatbots. Ces services de messagerie instantanée, logés sur les sites des marques ou sur Facebook Messenger, répondent aux questions des consommateurs sur un ton personnalisé, comme un humain sur un chat. Les conversations peuvent être pratiques ou concerner l'actualité de la marque, comme le fait Dior Insider, en présentant les nouveaux produits de beauté et des astuces pour les utiliser. Un choix judicieux puisque 75% des millénnials préfèrent chercher des solutions et informations en ligne plutôt que de parler à un agent, d'après une étude IBM.
C’est d’ailleurs IBM qui a créé Watson : un logiciel indexant des données internet et analysant la sémantique de différentes questions et réponses d'utilisateurs. Il a battu les gagnants du jeu télévisé Jeopardy en 2011 et est utilisé par des entreprises variées : des cabinets d'avocats à l’application Wearing. Ce personal shopper répertorie des contenus mode (blog, magazines, contenus commerciaux) pour répondre à des questions comme « que dois-je porter à ce mariage en Sicile ? » en tenant compte du style, du physique et de la localisation de l'utilisateur. Il l'oriente ensuite vers des produits de retailers partenaires. Une mine d'or pour les géants comme Farfetch...
Watson alimente aussi les conversations du robot Connie des hôtels Hilton. Posté à la réception, il renseigne les clients sur les services de l'établissement et les attractions locales. Bientôt on ne dira plus "dis bonjour à la dame"...
Par Normandie Wells