Campaign : pourquoi le retail n’est pas prêt pour la réalité virtuelle
25 Nov 2016
Pour une certaine génération, les mots « réalité virtuelle » évoquent des souvenirs de casques mécaniques peu fiables, de pixels énormes et de jeux vidéo peuplés de dragons. Au début des années 90, seuls les auteurs de SF se sont intéressés aux premiers pas de la réalité virtuelle ; depuis, les avancées dans le domaine ont été spectaculaires. En 2016, le monde s’apprête à découvrir un univers de réalités virtuelles totalement immersives et dispose des outils pour en profiter pleinement.
Pourtant, certains sont tombés amoureux de la réalité virtuelle dès son apparition. « En 1996, j’ai essayé la réalité virtuelle pour la première fois dans une salle de jeux à Londres et ça a été un vrai choc », nous explique Philip Handford, fondateur et responsable de la création chez Campaign, un studio de design londonien qu’il a lancé pour « changer les règles du retail, et le rendre plus créatif et plus amusant. » Son coup de foudre pour la RV l’a clairement marqué puisqu’il consacre une bonne part de son énergie à chercher à comprendre à quel point elle va révolutionner l’industrie du retail.
En octobre dernier, Campaign a lancé Campaign Theatre – sorte d’aile dédiée à la R&D au sein du studio. La première tâche de Campain Theatre ? Comprendre comment les marques utilisent le potentiel de la RV et de la réalité augmentée – quand des objets virtuels et des images sont projetés dans le monde réel. « Ça nous permet de tester des idées, d’obtenir du feedback et de voir que tout va très très vite », affirme Handford.
Tellement vite, d’ailleurs, qu’il pense que de nombreux acteurs de l’industrie du retail ne sont pas du tout préparés à faire face aux conséquences sur leur business model – qui devrait bientôt être obsolète. « Aved l’engouement pour Campaign Theatre, de nombreuses marques nous demandent ce qu’elles doivent faire. Et elles ont raison. Quelles nouvelles possibilités seront offertes aux marques par ces environnements totalement immersifs et sans limite ? Comment doivent-elles utiliser la capacité d’offrir un voyage virtuel à leurs clients aux quatre coins du monde (ou de l’univers) ?
L’une des utilisations les plus concrètes dévoilées par l’étude de Campaign Theatre est le potentiel de la technologie dans le domaine du design. « Pour un designer, pouvoir observer ce que vous avez conçu, être capable de le regarder, de marcher autour de l’objet à échelle réelle signifie que vous n’avez plus besoin d’imaginer ce à quoi il pourrait ressembler », explique Handford. Grâce à la réalité augmentée, les designers peuvent créer un modèle 3D digital dans un espace physique qu’ils pourront explorer et examiner comme s’ils étaient réellement présents dans l’espace. « Les [Designers] peuvent travailler beaucoup plus vite et cela permet aux clients de limiter les risques. Le potentiel est aussi énorme en termes de créativité ; les designers peuvent plus facilement innover, tester des prototypes, etc. », ajoute-t-il. « Je pense qu’il faut tester au maximum ces utilisations possibles dans les boutiques et en ligne, et c’est ce qu’on compte faire. »
À l’avenir, les boutiques physiques ne seront plus des espaces d’achat, mais des lieux d’expériences pures et l’agencement de ces boutiques devra être toujours plus impressionnant pour attirer des clients plus exigeants que jamais. Si les marques pouvaient avoir une vraie perspective d’un espace potentiel avant de s’engager financièrement, elles seraient sûrement plus susceptibles de se lancer et de dépenser un peu plus que prévu. « Un PDG japonais pourrait visiter un site en plein cœur de Londres sans avoir besoin de se déplacer physiquement », nous explique Handford.
Bien sûr, les possibilités offertes par ces deux technologies vont bien au-delà des bureaux des designers. Si Philip Handford ne s’avance pas encore trop sur leur utilisation en boutique et comprend les sceptiques, les énormes avancées technologiques dans le domaine – au niveau des logiciels comme des équipements – le convainquent que la RV et la réalité augmentée trouveront bientôt toute leur place dans le retail.
Il prédit que l’utilisation faite sera très différente en fonction des secteurs. « Prenez le cas des agences de voyage : le produit qu’ils vendent n’est pas disponible sur place, à part en photo dans des brochures. Mais en vous prêtant un casque, ils peuvent vos transporter dans les Seychelles en une seconde où vous pourrez vous promener et mieux comprendre ce qu’on vous propose. » Il pense aussi que l’utilisation ne sera pas limitée à l’immersion. « Prenez une quincaillerie : si vous avez un plan basique de votre salle de bains et voulez acheter du carrelage, il vous suffira d’enfiler un casque pour découvrir les modèles disponibles en situation. »
Quand est-ce que cette technologie cessera d’être l’apanage des milliardaires de la tech ou aux gamers purs et durs pour devenir un élément commun de l’expérience d’achat ? « Demandez à Microsoft, nous répond Handford en riant. « Mais le potentiel est là et on voit bien que le vent souffle dans le bon sens. Je dirais dans 3-5 ans. » C’est-à-dire demain et Handford pense que la plupart des retailers ne sont pas prêts. « Je pense que les gens ne s’attendent pas au nombre de commerces qui devront mettre la clé sous la porte parce qu’ils ne seront pas préparés. »
Selon Campaign, il ne s’agit pas de savoir « si » la VR va déferler dans l’industrie du retail, mais « quand ». Tout dépend désormais de la vitesse à laquelle les clients et les acteurs de l’industrie se rendront compte du potentiel de ces technologies.
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