Nos habitudes alimentaires changent. Aujourd’hui, les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de leurs choix sur leur santé et sur l’environnement.
Les industries de l’alimentation et de la restauration sont parmi les plus polluantes, mais les choses évoluent. Les restaurants et les magasins commencent à placer la durabilité au cœur de leurs pratiques, que ce soit en s’engageant à favoriser les produits locaux, à réduire leurs déchets ou à proposer un menu éthique. D’ailleurs, la génération Y est la première dont les membres sont prêts à payer plus pour une meilleure qualité, et une plus grande traçabilité et durabilité, selon un rapport de Nestlé.
De la ferme locale à votre table
Bertrand Grébaut et Théo Pourriat, les deux amis derrière le célèbre restaurant parisien Septime, ont une mission : faire de leur établissement le restaurant le plus respectueux du développement durable au monde. Du vin à la carte à leur menu sans bœuf et très porté sur les légumes, en passant par les conditions de travail des employés de leurs fournisseurs, ils ont placé la durabilité au cœur de leur travail. Et c’est grâce à cette stratégie qu’ils viennent de remporter le prix du développement durable.
Le premier élément de leur démarche – et certainement pas le dernier – est l’approvisionnement. 99 % des produits utilisés poussent en France, c’est-à-dire tout sauf le café, le sucre, la vanille et certains agrumes. Le restaurant se fournit directement auprès d’agriculteurs de la région et a investi dans une ferme aux portes de Paris. Et ce n’est pas tout, les deux acolytes se sont associés à un collectif de chefs pour sauver 1 400 variétés de graines dans le cadre du Conservatoire du Goût.
E5 Bakehouse, une boulangerie bio indépendante sous les arches des lignes ferroviaires de London Fields, va encore plus loin en cultivant et en broyant ses propres céréales, et en fabriquant sa propre farine pour respecter son engagement à utiliser du blé 100 % britannique. La boulangerie s’efforce aussi de réduire son emprunte carbone en utilisant de l’énergie issue de sources renouvelables, avec des emballages biodégradables, en compostant et effectuant ses livraisons à vélo.
À New York, l’idée de ferme urbaine gagne du terrain dans l’industrie, avec des établissements comme Rosemary dans le West Village ou Grange Farms à Brooklyn qui transforment leurs toits en fermes florissantes.
En garantissant un approvisionnement ultra-local et en affichant leur volonté de bien faire, ces restaurants séduisent un public de plus en plus large. Mais les restaurants qui veulent vraiment bien faire ne s’arrêtent pas là.
Zéro déchets
Environ 1,3 milliards de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, soit environ un tiers de la consommation mondiale. Au Royaume-Uni, on estime que les déchets alimentaires coûtent aux restaurants plus de 680 millions de pounds par an. Repenser la réduction des déchets peut offrir d’énormes bénéfices – à la fois financiers et éthiques – au secteur de la restauration.
Silo, un restaurant à Brighton qui s’est engagé au « zéro déchet », a su se montrer particulièrement innovant. Tout a été pris en compte, des meubles et assiettes « upcyclés » à partir de sacs plastiques recyclés au respect des conditions d’abattage des animaux. Tous les restes sont broyés dans une immense machine capable de produire jusqu’à 60 kilos de compost en 24 heures et auxquels les habitants du quartier ont accès.
D’autres imaginent des façons de donner une seconde vie aux restes alimentaires. Le chef new-yorkais Dan Barber a récemment transporté westED – son programme de réflexion sur la production alimentaire – au grand magasin Selfridges de Londres. Le concept ? Préparer des plats délicieux avec des aliments soi disant invendables ou non comestibles.
Des boissons durables
Pour les restaurants impliqués dans le développement durable, la carte des boissons a autant d’importance que le menu. Et le succès récent des vins biodynamiques – ou des vins naturels produits sans presque aucune intervention humaine – à la carte de nombreux restaurants et bars le prouve bien. Le mouvement du vin naturel crée une mini-révolution dans l’industrie viticole traditionnelle, et les fabricants indépendants et éthiques du monde entier ont le vent en poupe.
Prenez TINTE, un vin que vous trouverez justement à la carte de Silo. TINTE est un vin d’orange biodynamique fabriqué par Vidacycle, une entreprise familiale entre Londres et le Chili. En plus des vins naturels sélectionnés par Silo, la carte du restaurant propose d’autres boissons fermentées à bases de plantes, d’herbes, de légumes et de fruits cueillis ou récupérés.
Quelques barmans de Londres se sont même donné pour mission de créer des cocktails à partir de déchets. Ryan Chetiyawardana – ou « Mr Lyan » – par exemple a ouvert le premier bar à cocktail qui n’utilise aucun ingrédient périssable, pas de fruit ni même pas de glace. Il crée ce qu’il appelle des cocktails « en circuit fermé » dans ses deux bars, le White Lyan à Hoxton et le Dandelyan au Mondrian, fabriqués à partir des restes de précédents cocktails – et prouve que luxe n’est pas forcément synonyme d’excès.
Le renouveau du fast food
Même les chaines de restaurant sont touchées par le phénomène du développement durable : vous pouvez aussi y manger sain et local. Prenons l’exemple de Sweetgreen, une chaîne américaine connue pour ses salades et sa « nourriture simple, saine et de saison ». Même avec près de 60 restaurants aux Etats-Unis, Sweetgreen travaille avec un réseau de 500 fermes dont les noms sont affichés sur les murs de ses restaurants – et prend d’autres initiatives durables, en refusant notamment le paiement en liquide.
À Londres, Wahaca – une chaîne de street-food mexicaine – privilégie une approche éthique de la cuisine. Il suffit de jeter un œil au menu pour connaître l’origine de la viande servie. Les piments mexicains utilisés dans les sauces poussent dans la ferme de South Devon, en Angleterre, pour diminuer l’empreinte carbone et des matériaux recyclés sont utilisés pour l’équipement des restaurants.
Les chaînes de sushi ont souvent la réputation d’être les mauvais élèves du développement durable, en particulier pour l’approvisionnement en poisson. Mais Feng Sushi, à Londres, donne l’exemple en utilisant un maximum de poissons disponibles au Royaume-Uni (comme le maquereau pêché à la ligne) et en garantissant que tous les poissons sélectionnés affichent les meilleurs labels en vigueur. La chaîne travaille aussi avec des agriculteurs britanniques pour cultiver des produits qu’on ne trouve normalement qu’en Asie, comme l’edamame, et utilisent des emballages biodégradables et des baguettes en bambou.
La durabilité est en phase de devenir la nouvelle norme de l’industrie de la restauration et ce sont ces idées innovantes qui montrent la voie.
Texte : Lisa Roolant